La Place des Bourneaux

Prise il y a plus de cinquante ans par un bel après-midi ensoleillé, cette photo du centre historique de Plan-les-Ouates nous permet de mesurer le temps qui passe. Si la fontaine couverte est toujours bien là, rénovée et pimpante, d'autres éléments du passé ont aujourd'hui disparu.

C'est tout d'abord le poids public, visible derrière la fontaine, dont la fonction première était de peser les récoltes des villageois.

La bâtiment qui abrite l'actuel restaurant de la Place était séparé en deux partie égales: d'un côté, il y avait le café ("de la Place", bien sûr) et de l'autre, le garage Veedol, dont le patron, Paul Solleberger, réparait les vélos et les motos depuis la grande époque du vélodrome, dans les années 1920 à 1950.

A  côté de la cabine téléphonique (disparue elle aussi), les pompes à essence (avec plomb) nous rappellent qu'avant la construction de l'autoroute de contournement, la "route des vacances" passait par notre village. Le trafic était intense, mais l'essence y était moins chère que chez nos voisins français. Voilà au moins une chose qui n'a pas changé!

Au début des "années 1900", les grands progrès comme l'eau courante et l'électricité, qui révolutionnèrent le vingtième siècle, étaient encore très discrets dans les campagnes.

A Plan-les-Ouates, les infrastructures communautaires telles que la fontaine, le poids public (1) et surtout la laiterie, faisaient de la Places des Bourneaux un lieux de rencontre particulièrement populaire.

Commençons par la fontaine, qui était encore le principal moyen d'approvisionnement en eau: on la puisait plusieurs fois par jour pour le ménage, les repas et la toilette. On y faisait aussi la lessive.

A la sortie de la fontaine, l'eau se déversait dans une carpière qui servait à l'abreuvage du bétail et à la lutte contre l'incendie (2). Derrière la clôture entourant la carpière, on aperçoit le poids public qui, comme la laiterie, cessa de fonctionner en 1956.

Au pied du grand marronnier (aujourd'hui disparu), la laiterie était un lieu de rassemblement d'autant plus important que l'électricité et la réfrigération étaient absentes: difficilement conservable, le lait devait être livré, vendu et consommé rapidement. Les ménagères, qui l'achetaient le matin, revenaient souvent se réapprovisionner en fin d'après-midi, après la deuxième traite. A peine visible entre la laiterie et le marronnier, une enseigne nous informe qu'un commerce d'"Épicerie mercerie  fromages" occupait la moitié sud-ouest du "café-épicerie Emile Babel".

Autres temps, autres moeurs: la place villageoise d'il y a cent ans est devenue un parking. Cela est moins poétique, certes! ... Mais on peut se demander si les villageoises d'autrefois trouvaient beaucoup de poésie à la lessive dans la fontaine par tous les temps ...

 

(1) Le poids public était utilisé pour évaluer le poids des marchandises

(2) Jacques Delétraz, "Le développement de Plan-les-Ouates", Le Courrier, 3.10.1953